J'écris l'Iliade
- emmanuelbouverat
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« J’écris l’Iliade » de Pierre Michon (Gallimard)

Il était aveugle et a été le premier écrivain connu. La nécessité de l’hommage coulait de source. Mais en se plaçant d’amblée dans les pas d’Homère, Michon bouscule. Il ironise sur sa propre célébrité qu’il juge peu justifiée. Il préfère choquer, scandaliser. Ce roman mêle des souvenirs de dérives, des confidences aux exploits des Achéens ou à ceux d’Alexandre le Grand. Mériterait-il d'être décrié et jeté aux orties puisqu’il dépeint un mode de pensée peu en phase avec notre temps. Pour rendre le texte plus dérangeant encore, il le truffe de scènes érotiques très crues. Il ne prend pas de gant et heurte toute bienséance.
Le lecteur comprendra-t-il que tout ceci n’est qu’une farce, ou plutôt une épopée magnifiant ou rabaissant la figure de l’écrivain ? Pas sûr. Dans les « Onze », Pierre Michon décrivait dans le détail un faux tableau. Dans « J’écris l’Iliade », il dépeint un faux Pierre Michon alias Homère… Il prouve une nouvelle fois que la force de la littérature est sans limite et qu’elle peut créer n’importe quelle illusion. Une autre piste pour comprendre cet étrange roman.
Quand Alexandre rencontre le spectre d’Homère. Il lui demande de décrire Achille tel qu’il l’a connu. Et Homère ne fait que le portrait d’un grand ado fougueux, obsédé par l’idée de s’illustrer au combat. Une image bien éloignée du demi-dieu que l’Iliade laissera à l’éternité.
Mais malgré sa volonté de jeter dans la boue sa couronne d’écrivain mythique, il continue de nous étonner par la tournure de ses phrases, par ses métaphores et son originalité. Difficile de dire au monde qu’il ne veut plus être vénéré parce que les années lui a enseigné la modestie... (eb)
Lien vers la notice : https://bibliovsg.info/NetBiblio/search/notice?noticeNr=N23986
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