« Couleurs de l’incendie » de Pierre Lemaitre (Albin Michel)
Tour à tour roman bourgeois et vaudeville, la dernière parution de Pierre Lemaitre se présente comme la suite d’Au revoir là-haut qui reçut le prix Goncourt 2013 en même temps qu’il consacrait cet écrivain de talent. La trame principale, narrant l’implacable vengeance d’une femme bafouée par son amant, son banquier, son oncle et sa servante, fait immédiatement penser au Comte de Montecristo. Alexandre Dumas est, en effet, l’écrivain fétiche de Lemaitre. La description minutieuse et drolatique de la bourgeoisie de l’entre-deux-guerres constitue, elle, une fresque toute balzacienne.
A la lecture, on rit beaucoup, on pleure aussi un peu. On s’étrangle devant la description du désastre social issu de la Grande guerre et on frémit en devinant qu’il ne peut que déboucher sur la guerre suivante. L’incapacité des classes dirigeantes de ce temps se révèle dans toute sa grandeur, comme la souffrance d’un petit peuple en proie à un désespoir certain. La crise arrive, les opportunistes font leur jeu et personne ne mesure la grandeur du danger. Mais l’œuvre n’a rien d’un roman historique classique, le rythme est enlevé et l’originalité des situations l’en éloigne totalement. De plus, on s’attache vraiment aux personnages, que ce soit le petit Paul, paraplégique par accident, Dupré l’ouvrier anarchiste, ou bien sûr Madeleine, l’héroïne courageuse et indépendante qui représente à sa manière la naissance du féminisme.
Chapeau bas à Pierre Lemaitre pour cette œuvre rare et totalement originale dans le paysage littéraire français !
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